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Résumé

La gardienne du territoire nordique

Depuis 2020, plus du cinquième des terres sauvages du Nord-du-Québec sont protégées. Une avancée qui doit beaucoup à l’esprit fédérateur de la biologiste Mélanie Chabot.

Enfant, Mélanie Chabot partait souvent en vélo avec des amis découvrir les couleuvres et les grenouilles du parc national du Mont-Saint-Bruno, près de Montréal. Sa petite gang avait même déniché une grotte où se réunir. « C’est l’endroit où je me sens le plus chez moi sur la planète », confie la biologiste.

Paradoxalement, ce coin de verdure de 9 km2 a fait jaillir la flamme qui la pousserait un jour à protéger plus de 39 000 km 2 de nature vierge, soit approximativement la superficie de la Belgique. Rien de moins! C’est la taille des réserves de biodiversité que la jeune femme a contribué à implanter sur le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James, dans le Nord-du-Québec. Un exploit salué par son employeur, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Quand la chargée de projets est arrivée en poste, en 2018, le temps pressait. Ses collègues responsables de désigner des zones à préserver dans les autres régions du Québec avaient déjà entamé leurs travaux… sept ans plus tôt. La titulaire d’une maîtrise en biologie – écologie internationale a dû foncer pour atteindre l’objectif du gouvernement. Québec souhaitait en effet classer 20 % du territoire dont elle était chargée. À l’automne 2020, la cible était dépassée par 3 %!

Désormais, vingt-trois nouvelles aires protégées couvrent en partie cette courtepointe de taïgas, de toundras forestières et d’immenses rivières sauvages. Les caribous peuvent arpenter plus paisiblement l’étendue située sous le Nunavik. En plusieurs endroits, il n’est plus possible d’exploiter des mines, forer des puits de pétrole ou couper du bois à des fins commerciales.

« Ce classement, c’est vraiment un travail d’équipe », pondère Mélanie Chabot, un brin gênée de se retrouver sous les projecteurs. « Les représentants du gouvernement de la nation crie ont uni leurs forces aux nôtres. Et les experts du Ministère ont analysé les dossiers avec beaucoup de soin. » En plus de déterminer les écosystèmes les plus pertinents à protéger, il fallait réfléchir à l’impact économique d’empêcher certaines activités dans ce milieu fragile. Cela représentait un défi de concertation. En effet, plusieurs organisations régionales et provinciales se partagent la gestion de cette contrée riche en enjeux politiques et économiques. Excellente communicatrice, la chargée de projets a su dégager des consensus et rallier les parties autour d’un objectif commun.

Cette amoureuse des grands espaces a d’abord arpenté le Nunavik pendant quatre ans pour développer le réseau des parcs nationaux. En 2014, elle participe à l’évaluation environnementale des projets nordiques et miniers au Ministère. Elle se trouvait alors en contact direct avec plusieurs instances du gouvernement de la nation crie. Un poste clé pour nouer des liens avec cette société autochtone, très attachée à son milieu de vie.

« C’est vraiment au cœur de leur culture, affirme-t-elle. Des maîtres de trappe des communautés cries ont identifié des territoires exceptionnels à protéger, qui permettent de poursuivre la chasse et la pêche. »

La professionnelle demeure très investie dans cette cause. Elle siégeait au Comité consultatif pour l’environnement de la Baie-James et au Comité environnement de la Grande Alliance, le collectif qui planifie le développement de la région. Elle vient tout juste d’entrer en poste comme adjointe exécutive auprès du bureau du sous-ministre au MELCC. Une façon pour cette ancienne compétitrice en karaté de continuer à faire bouger les choses.

Mélanie Chabot n’avait pas prévu tout cela quand, à 16 ans, elle a découvert sa vocation en travaillant au parc national du Gros-Morne, à Terre-Neuve. Sa nomination au prix Relève d’excellence représente une belle surprise. « Je partage cet honneur avec mes collaborateurs », précise-t-elle, émue par les lettres d’appui à sa candidature. Mais rien ne changera jamais son idéal. « Je ressens un grand sentiment de bien-être dans la nature. J’ai envie de pouvoir le transmettre à ma fille et aux futures générations. »

Partenaire du prix Relève d’excellence : École nationale d’administration publique