Portrait

La CNESST: une organisation particulièrement interpellée par la crise de la COVID-19

Crédit photo : Marie-Josée Legault

Manuelle Oudar est présidente du conseil d’administration et chef de la direction de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) depuis la création de l’organisme, en décembre 2015, à la suite du regroupement de trois organisations. L’Institut d’administration publique de Québec a d’ailleurs décerné un Prix d’excellence à la CNESST en 2017 pour l’efficience de ce regroupement.

La CNESST est la plus grande organisation publique du Québec dirigée par une femme et l’une des rares à avoir reçu la certification Platine Parité de la Gouvernance au féminin. Outre la santé et la sécurité des travailleurs, l’un des mandats de la CNESST concerne l’équité salariale, mais la vision de sa présidente va bien plus loin. L’inclusion et la diversité sont des valeurs essentielles à ses yeux.

À titre de mentore, elle aime ouvrir la porte aux jeunes professionnels et aux jeunes cadres de tous horizons afin de les aider à progresser dans leur carrière.

« On a de beaux talents au sein de l’administration publique québécoise. Je ne suis pas inquiète des rênes qu’on laissera un jour à ces jeunes. Je suis très confiante quand je vois la génération qui nous suit. »

 IAPQ – Comment s’est vécue cette crise pour votre organisation, qui compte près de 5 000 employés répartis dans toutes les régions du Québec?

Manuelle Oudar – C’était important pour moi de sentir qu’on restait proches de nos équipes, même si 94 % du personnel travaille maintenant à distance [au moment de l’entrevue en juin]. Je suis certaine que mes collègues dans les autres ministères et organismes ont senti, comme moi, qu’il fallait créer des relations de proximité autrement.

Pour y arriver, nous avons multiplié les messages d’encouragement sur l’intranet et créé des sondages pour vérifier le moral de nos troupes. Reconnaître les petits gestes comme les plus grands était aussi pour moi plus que nécessaire. Cela a permis aux équipes de mieux se connaître et de se sentir plus unies, malgré la distance. Beaucoup d’employés ont accepté d’accomplir d’autres tâches, pour aider au service à la clientèle, par exemple. Cette crise a permis à mes équipes d’apprendre de nouvelles choses et d’être plus résilientes et solidaires les unes envers les autres. Quelques personnes sont même allées prêter main-forte dans un CHSLD ou dans le réseau de la santé!

Ces événements m’ont aussi permis de comprendre qu’il est nécessaire de garder nos repères, d’avoir une vision et de la partager avec le personnel. La communication, c’est la clé. À la CNESST, on a accentué cette communication, notamment en enlevant une certaine forme de hiérarchisation pour la rendre encore plus transversale.

Je tiens à dire que la solidarité et l’agilité ne se sont pas manifestées qu’à l’intérieur des murs de l’organisation. Au plus fort de la crise, il fallait concentrer les efforts de toutes les organisations vers un même but. Les partenaires de la CNESST, dont le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, le ministère de l’Environnement, et de la Lutte contre les changements climatiques, la Régie du bâtiment, la Commission de la construction du Québec ou la Ville de Montréal, pour ne nommer que ceux-là, ont levé la main à notre appel en mars afin de déployer plus de 1 000 préventionnistes pour informer et voir à l’application des nouvelles normes sanitaires sur le terrain, et ce, en moins de deux semaines!

Vous avez notamment dû créer des trousses COVID-19 pour les différents milieux de travail.

Afin de garantir que les activités puissent reprendre ou continuer, la CNESST a effectivement développé de nombreux guides et outils. L’idée de ces guides a émergé lorsqu’un premier secteur d’emploi s’est déconfiné, soit le secteur de la construction. Des représentants des travailleurs, des employeurs, des ministères concernés et de la santé publique se sont réunis avec la CNESST pour adapter le guide général, que nous avions d’abord développé, afin qu’il réponde aux besoins précis de ce milieu. Notre organisation agit de façon paritaire. Le dialogue social fait partie de son ADN.

Plus d’une vingtaine de guides ont vu le jour pour accompagner les différents secteurs de l’économie, tous élaborés en partenariat. Une application mobile a même été développée. Elle permet aux personnes qui la téléchargent de vérifier rapidement si les consignes, qui évoluent, sont bien appliquées. 

Est-ce que la crise de la COVID-19 a donné une impulsion pour accélérer la transformation numérique de la CNESST?

Cet événement a effectivement permis d’accélérer le processus. Il ne faut jamais oublier quelle est notre mission. On existe avant tout pour le service client. Les citoyens avaient de grandes attentes. En période de crise, le but n’était pas de complexifier les choses, mais, au contraire, de les simplifier au maximum pour les servir. Il y a des choses qu’on ne fera plus comme avant, c’est certain, ou encore, que l’on a mis en place alors que l’on n’imaginait même pas pouvoir le faire en janvier dernier! 

En plus de la gestion de la crise de la COVID-19, vous devez tout de même continuer d’assurer les services habituels de votre organisation.

Tant pendant le confinement que dans les phases de déconfinement, la santé et la sécurité des travailleurs demeurent des services essentiels. Rien ne pouvait être mis sur pause. L’application des normes du travail demeure aussi importante d’autant plus que l’on observe beaucoup de mouvements dans le marché de l’emploi. 

Ces dimensions d’une importance capitale, tant pour les employés que pour les employeurs, ont été exacerbées par la crise. Ce printemps, cela a généré un surplus d’appels à la CNESST, qui reçoit déjà bon an mal an près d’un million et demi d’appels. De plus, tout comme d’autres grandes organisations, nous avons également contribué à répondre aux appels de la ligne INFO-COVID mise sur pied par la santé publique. 

Qu’avez-vous à dire sur la performance de la fonction publique?

Dans les derniers mois, on a prouvé qu’on était capable d’innover et de collaborer, non seulement au sein des équipes d’une même organisation, mais aussi avec les organisations externes.

L’on entend souvent dire que la fonction publique est lourde, mais on a démontré qu’elle pouvait être agile. Nous avons fait de grandes avancées comme administrations publiques. Il faut continuer sur cette lancée!

Aux fins de publication, les propos de Mme Oudar ont été abrégés.