À l’écoute de la rue
Voir la vidéo de l’équipe lauréate et des deux équipes finalistes
Une recherche donnant la parole à 300 personnes de partout au Québec montre la complexité de l’itinérance. Et ouvre la voie à de meilleures mesures de prévention.
Jocelyn Gadbois, conseiller en itinérance au ministère de la Santé et des Services sociaux, a vécu un moment de grâce en assistant avec des collègues à une présentation de Sue-Ann MacDonald. Cette professeure en travail social de l’Université de Montréal leur dévoilait les résultats de l’étude exhaustive visant l’approfondissement des connaissances sur les personnes sans domicile fixe qui constitue un des volets importants du Deuxième portrait de l’itinérance au Québec, produit par le Ministère.
« Tout le monde écoutait les portraits de vie présentés en toute simplicité par la coordonnatrice de la recherche, témoigne-t-il. À la fin, il y a eu un grand moment de silence. Les participants avaient mis des visages sur les personnes concernées par l’action des pouvoirs publics. »
Sue-Ann McDonald, aussi membre du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS), a parcouru le Québec pour découvrir les différentes trajectoires des individus dépourvus de chez-soi. Une itinérance souvent cachée en région, où des gens campent l’été et passent d’un sofa à l’autre l’hiver venu. Une itinérance au visage autochtone dans certains quartiers de Montréal. Une itinérance parfois liée à l’augmentation du prix des logements ou à des failles administratives…
La prise de conscience de la responsabilité des différents acteurs du milieu des services sociaux a joué un rôle déterminant dans le Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026. Le portrait de l’itinérance dessiné par l’équipe de recherche a donc permis de mobiliser l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre ce phénomène social. L’un des engagements porte sur le dialogue intersectoriel nécessaire pour empêcher que des gens n’aboutissent sur le trottoir.
L’équipe de recherche, qui regroupe quatre professeurs et une professionnelle, a rencontré 300 personnes sans toit et des organismes communautaires dans toutes les régions du Québec. Au passage, elle a mis le doigt sur certaines des causes qui précipitent des individus vers la rue.
Sortis du système, entrés dans la rue?
Plusieurs récits de vie témoignent entre autres des effets désastreux de sorties mal planifiées d’établissements publics. Pour les adultes qui émergent des centres jeunesse à leur majorité, l’installation peut s’avérer ardue. Même chose pour les détenus libérés de prison une fois leur sentence purgée. « Quelqu’un avec un casier judiciaire a beaucoup de difficulté à trouver un emploi ou un logement. Il faut implanter les meilleures pratiques d’accompagnement pour permettre à ces personnes de réintégrer la société », raconte Jocelyn Gadbois.
Agir en amont de l’itinérance
Déjà, certaines mesures ont été implantées, soutenues notamment par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Les établissements carcéraux et centres jeunesse sont incités à présenter à leur clientèle les programmes d’aide financière de dernier recours. Le but : éviter qu’une personne ne se retrouve à la rue peu de temps après avoir gagné ou regagné son autonomie. Ailleurs, il peut s’agir de planifier une consultation médicale en santé mentale, dont le suivi sera assuré par un agent de liaison.
Que ce rapport sur les populations sans abri mérite une nomination au prix Collaboration scientifique comble Jocelyn Gadbois. « Cela montre l’importance de mener des recherches qualitatives pour décrire la complexité du vécu des gens, témoigne-t-il. Cette reconnaissance prouve aussi que le gouvernement, qui dispose d’une politique de l’itinérance depuis 2014, s’est doté de bons outils. Il peut ainsi prendre les meilleures décisions possibles face à cet enjeu. »
Partenaire du prix : Fonds de recherche du Québec