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Résumé

Parce qu’on ne devient pas adulte en un jour

Chaque année, 4 000 adolescents confiés à la Direction de la protection de la jeunesse basculent du jour au lendemain dans la vie adulte. Un professeur et ses alliés cherchent à comprendre comment faciliter ce passage.

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À quel âge vole-t-on de ses propres ailes? Au Canada, dans la population de 20 à 34 ans, plus d’une personne sur trois habite encore chez ses parents. Mais celles supervisées par la Direction de la protection de la jeunesse n’ont pas ce privilège. Presque toutes doivent quitter leur milieu de placement à 18 ans.

« Pour eux, c’est une injonction à l’autonomie. Pourtant, l’indépendance est de plus en plus tardive pour ceux qui bénéficient du soutien familial », note Martin Goyette, professeur à l’École nationale d’administration publique et titulaire de la Chaire de recherche sur l’Évaluation des actions publiques à l’égard des jeunes et des populations vulnérables. Un paradoxe qui illustre bien les défis que ces garçons et filles affrontent à l’aube de leur majorité.

Comment les soutenir dans cette transition? Une imposante recherche menée par le professeur Goyette apporte des réponses à cette question. Entamée en 2014, l’Étude sur le devenir des jeunes placés au Québec examine le parcours d’un millier de jeunes, du moment où ils quittent leur milieu de placement jusqu’à leurs 21 ans. Une première au Québec.  Pour rassembler les connaissances et données disponibles dans l’ensemble des régions, il a fallu mobiliser de nombreux acteurs. Les 16 centres intégrés de santé et des services sociaux, responsables de la protection de la jeunesse, contribuent au projet. Plusieurs ministères et organismes communautaires aussi. Sans oublier un groupe de spécialistes hors du commun : un comité de 12 jeunes de 18 à 35 ans qui ont vécu le placement. Ces partenaires participent activement à toutes les phases de la recherche, de son élaboration jusqu’à sa diffusion.

Les membres du comité des jeunes :

Première rangée avant, de gauche à droite : Patrice Turcotte, animateur-accompagnateur, Émilie Roy, Claudine Simon, coordonnatrice et Camille Shaink. Derrière : Marcelle Partouche Gutierrez, Kevin Champoux-Duquette, Geneviève Caron, Samuel Thibault Ladouceur et Jessica Côté-Guimond.

« Leur apport est essentiel. De leur côté, ils aiment l’idée que leurs expériences passées, souvent douloureuses, soient transformées en savoirs. »

En 2018, des données préliminaires ont révélé des facteurs de risque qui appellent des changements. Ainsi, parmi les jeunes rencontrés, 25 % avaient obtenu leur diplôme d’études secondaires à 19 ans, contre 77 % de la population. Environ 39 % rapportaient des troubles de santé mentale, contre 6 % des gens en général. Enfin, 52 % avaient connu de l’instabilité résidentielle après être devenus autonomes, dont 20 % de l’itinérance.

La recherche propose aussi des projections statistiques rigoureuses qui frappent l’imaginaire. Par exemple, une analyse coûts-bénéfices prévoit qu’investir dans des mesures qui ramèneraient le taux de diplomation des jeunes placés à la moyenne du Québec rapporterait des gains de plus de 372 M $!

À sa conclusion, en 2022, l’étude offrira une base scientifique complète pour cibler leurs besoins et mieux les combler. Déjà, les riches informations recueillies à ce jour ont trouvé écho auprès d’un vaste public. Elles ont nourri des recommandations de la commission Laurent et entraîné la bonification de programmes gouvernementaux. Cette prise de conscience sert de moteur de transformation. Ici et ailleurs, car une chercheuse conduit une étude similaire en France. La comparaison pourrait faire émerger des solutions gagnantes des deux côtés de l’Atlantique.

« Notre travail se veut un plaidoyer pour que la société offre à ces jeunes les chances auxquelles ils ont droit, résume Martin Goyette. Les membres de notre comité jeunesse sont d’ailleurs emballés de savoir que le projet se retrouve finaliste au prix Collaboration scientifique! »

Partenaire du prix Collaboration scientifique : Fonds de recherche du Québec