Portrait

Avoir l’audace de se transformer

Carl Gauthier

Carl Gauthier est président-directeur général de Revenu Québec depuis décembre 2018, où il a déjà travaillé à ses débuts dans la fonction publique. Haut dirigeant depuis 10 ans, il a occupé des postes au ministère du Conseil exécutif, à la CNESST et au ministère des Finances. Son organisation, qui compte plus de 12 500 employés répartis dans 40 bureaux régionaux, a comme responsabilités non seulement de percevoir les impôts et les taxes, mais également d’administrer divers programmes sociaux comme le crédit d’impôt pour solidarité, dont bénéficient plus de 3 millions de Québécois. Depuis septembre, elle offre aussi, par l’entremise du Centre gouvernemental de traitement massif, des services de numérisation, de messagerie gouvernementale, d’entreposage, de courrier, d’impression, d’insertion, de gestion et de conservation de documents à l’ensemble de la fonction publique.  

« Lorsque j’ai été nommé à la tête de l’organisation en décembre 2018, j’ai fait une tournée de tous nos bureaux afin de rencontrer les employés et de discuter de leurs attentes. Je suis convaincu qu’en améliorant l’expérience vécue par notre personnel au quotidien, nous contribuons à l’amélioration de l’expérience de nos clientèles; nos résultats le démontrent. Ce sont deux éléments indissociables! »

IAPQ – Comment avez-vous amorcé l’année 2020?

Carl Gauthier  –  À la suite de la tournée, une quinzaine d’initiatives différentes ont été implantées pour améliorer l’expérience employé, autour de dix thèmes comme la fierté, la reconnaissance ou la compétence. On a par exemple bonifié le programme de soutien aux études et établi une nouvelle orientation en matière d’évaluation des compétences. Cela a eu comme effet d’augmenter de belle façon la mobilisation au sein de l’organisation. Un de nos projets pour 2020, c’était d’implanter le télétravail. On s’y était préparé avec soin et 600 personnes faisaient partie du projet pilote qui avait commencé au début de mars.

Avec la pandémie, on est passé de 600 à 11 000 employés en télétravail en l’espace de six semaines à peine. C’est tout un exploit, compte tenu de la quantité d’équipements à se procurer et des hauts standards de sécurité nécessaires pour préserver la confidentialité des données traitées au sein de notre organisation. Malgré le fait que la majorité des employés travaillent à distance, on a mieux fait que l’an dernier pour certaines choses, comme le traitement des déclarations de revenus et les remboursements. C’est une belle réussite!

Comment jouez-vous votre rôle de PDG à distance?

Je communique régulièrement avec les employés de l’organisation. J’essaie aussi de faire intervenir tous les vice-présidents et vice-présidentes, les responsables des ressources humaines, les opérations, etc., afin de garder le contact entre les équipes et de démontrer que l’organisation continue de bien performer. On a fait un sondage en juin dernier, afin d’avoir un portrait de la réalité vécue par nos employés, majoritairement en télétravail, en contexte de pandémie. Plus de 90 % de nos employés se disent satisfaits, ce qui nous permet de présumer que malgré le contexte, le personnel continue d’aimer son travail et les conditions dans lesquelles il l’exerce.

Récemment, on a organisé une rencontre virtuelle d’une demi-journée avec les gestionnaires de l’organisation pour se donner une impulsion commune. C’était impressionnant d’être connecté avec tous ces gens simultanément! Notre thème, « Unis, au cœur de la transformation », était dans la poursuite de celui de l’année dernière. Il prend tout son sens dans le contexte actuel de pandémie, puisque nous vivons ensemble une importante transformation en temps réel où, plus que jamais, la collaboration et la mobilisation sont essentielles.

rencontre virtuelle des cadres de Revenu Québec
Rencontre virtuelle des cadres de Revenu Québec. De gauche à droite: Marc Samson, vice-président et directeur général de la législation, Sylvain Vinet, directeur général des enquêtes, de l’inspection et des poursuites pénales, Carl Gauthier, président-directeur général, Lucie Veilleux, directrice principale de la vérification des grandes entreprises (en visioconférence), Carole Gagnon, vice-présidente et directrice générale des technologies de l’information et Isabelle Moisan, directrice principale des programmes sociofiscaux.

Cet été, Revenu Québec a développé un programme de visites virtuelles en entreprises pour les vérificateurs. Ça nous fait épargner énormément de temps de déplacement et de coûts. Pour arriver à ce genre de solution, il faut laisser les gens exprimer leurs idées et les prendre au bond. Un projet comme celui-ci aurait été qualifié d’impossible à faire il y a un an à peine. Maintenant, on sait que même les plans les plus fous peuvent se réaliser, parce qu’on fait confiance à nos équipes.

Votre organisation a-t-elle contribué directement à la gestion de la crise?

Comme organisation publique, Revenu Québec a contribué aux efforts gouvernementaux au-delà de sa mission habituelle. On a prêté 150 employés à Services Québec pour la ligne INFO-COVID jusqu’à cet été. Depuis quelques semaines, et ce, pour quelques mois, il y a aussi 75 enquêteurs qui effectuent des suivis de dépistage au lieu de leurs tâches régulières. Un vendredi matin d’avril, j’ai reçu un appel de la sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, qui souhaitait faire un blitz durant la fin de semaine pour appeler toutes les personnes inscrites à la liste « Je contribue », afin de vérifier combien de personnes étaient réellement disponibles pour aller travailler dans le réseau de la santé. Elle m’a demandé si Revenu Québec pouvait trouver 100 personnes pour faire des appels. En l’espace de cinq heures à peine, 900 de nos employés se sont portés volontaires pour travailler toute la fin de semaine. Ça, c’est une belle fierté collective.

Également, en collaborant étroitement avec le ministère des Finances, Revenu Québec a participé aux efforts collectifs du gouvernement afin de soutenir les citoyens et les entreprises touchés par la pandémie. Pensons notamment à toutes les mesures d’assouplissement mises en place ou encore au Programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels, déployé en quelques semaines seulement.

Avez-vous des préoccupations particulières?

Une de mes inquiétudes, c’est l’isolement. Il y a un volet psychologique très important à rencontrer ses collègues et à venir au bureau. Notre défi pour les mois à venir, c’est de tenir compte des facteurs  qui peuvent miner la santé mentale. Nos gestionnaires doivent demeurer vigilants et connaître les ressources offertes par l’organisation pour que nos employés demeurent en santé sur tous les plans.

Dans l’esprit des orientations gouvernementales, pour des circonstances particulières (problèmes ergonomiques importants et difficultés psychologiques), on a aussi proposé à certaines personnes la possibilité de venir travailler au bureau. Dans un édifice immense comme celui de la rue Marly à Québec, qui accueille habituellement plus de 4 000 employés, je dois dire qu’on se sent un peu seul quand on s’y promène, car moins de 200 personnes y travaillent quotidiennement.

Dans le contexte que nous vivons actuellement, les défis sont grands. Il est, plus que jamais, important de trouver des façons de garder un certain équilibre entre la vie personnelle et les responsabilités professionnelles. Pour ma part, alterner entre le bureau et le télétravail me permet de conserver cet équilibre. Avec tous les outils que nous avons à notre disposition, le télétravail peut être tout aussi efficace.

Vous aviez deux projets finalistes l’an dernier aux Prix d’excellence de l’administration publique de l’IAPQ pour la gestion des ressources humaines. C’est un volet important chez vous?

À Revenu Québec, on dit souvent que le personnel c’est notre plus grande richesse. La diversité et la parité sont au cœur de nos valeurs. Mes prédécesseurs y ont fait pour beaucoup; c’est une culture d’organisation en place depuis plusieurs années. Le tiers des employés sont issus de minorités visibles, soit environ 4 000 employés. De ce groupe, 83 font partie du personnel de gestion. Aussi, les femmes représentent 61 % des employés; 350 d’entre elles sont en situation de gestion, c’est plus de la moitié des gestionnaires. Dans notre comité de direction, les femmes occupent 8 des 13 postes. On fait aussi beaucoup d’activités pour développer une cohésion organisationnelle. Nous sommes très fiers de notre culture!

Au début du mois d’octobre, j’ai joint le mouvement Ensemble inc. pour la diversité et l’inclusion lancé sur les réseaux sociaux. J’ai d’abord été approché pour être relayeur, mais j’ai insisté pour faire partie des signataires, car comme grand organisme public, Revenu Québec est l’image même de la réussite sur cet aspect.

Nous n’hésitons pas à explorer de nouvelles avenues afin de nous améliorer toujours plus. Pour ça, il faut avant tout avoir l’audace de se transformer. C’est ce que nous essayons de faire au quotidien. Je peux affirmer, sans aucune hésitation, que la situation vécue au printemps dernier a donné lieu à une collaboration sans précédent entre les directions de l’organisation et à une plus grande ouverture face aux changements. Ce que nous avons développé au cours des derniers mois, en matière de collaboration et d’agilité, perdurera.

Aux fins de publication, les propos de M. Gauthier ont été abrégés.