Conjuguer rigueur et bonheur au travail

Guylaine Leclerc a été nommée vérificatrice générale du Québec par l’Assemblée nationale en février 2015 pour un mandat de 10 ans. Elle entame d’abord son parcours professionnel dans un cabinet comptable avant d’être embauchée chez le Vérificateur général du Québec. Dans les années 90, Mme Leclerc poursuit sa carrière au ministère de la Sécurité publique et à la Sûreté du Québec. Elle fonde ensuite, au début des années 2000, le plus important cabinet indépendant spécialisé en juricomptabilité au Québec.
Mme Leclerc a reçu plusieurs marques de reconnaissance pour sa contribution au rayonnement, à la notoriété et à la crédibilité de la profession comptable. Ainsi, l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec lui a décerné le titre de Fellow en 2004 et l’Université Laval lui a remis la médaille Gloire de l’Escolle en 2013.
« J’accorde beaucoup d’importance à la reconnaissance au travail afin de mobiliser les employés et conserver l’expertise au sein de notre organisation. Au Vérificateur général, nous soulignons chaque année l’ancienneté de celles et ceux qui sont avec nous depuis 5 ans ou plus. C’est une organisation assez stable et j’ose croire que c’est entre autres parce que les gens s’y sentent bien. »
IAPQ – Comment est perçu le rôle du Vérificateur général auprès de ses clientèles?
Guylaine Leclerc – Je dois dire qu’on a encore du travail à faire pour améliorer la perception de notre rôle. L’annonce d’un audit du Vérificateur général demande aux organisations de dégager du personnel pour fournir les documents et répondre aux questions. Je sais que ça peut parfois être contraignant. Un des défis de la fonction publique est d’avoir un meilleur contrôle sans toutefois alourdir l’appareil gouvernemental. Il faut donc voir notre intervention comme un maillon d’un processus d’amélioration continue, entre autres. Les organisations vérifiées voient la valeur ajoutée de notre travail une fois qu’il est effectué. Nos constats peuvent les aider à bâtir un plan d’action pour améliorer leurs façons de faire.
J’invite les dirigeants et les employés des différentes administrations publiques à lire nos rapports et nos recommandations dès leur publication, même si ça ne concerne pas leur organisation ou leur secteur d’activité, puisqu’ils peuvent y dénicher des conseils à mettre en place au sein de leur propre milieu. Nous avons tous le même but, soit celui d’offrir aux citoyens des services de qualité en gérant efficacement les deniers publics. Le travail du Vérificateur vise à aider les organisations à atteindre cet objectif.
En plus de la vérification générale, vous avez également un autre mandat?
En 2006, le Vérificateur général s’est vu ajouter une fonction de commissaire au développement durable, qui a également le rôle de vérificateur général adjoint. Son mandat est de préparer, au moins une fois par année, un rapport pour faire part de ses commentaires et de ses recommandations sur l’application de la Loi sur le développement durable dans les organisations publiques. Les enjeux environnementaux prennent de plus en plus d’importance. Il est primordial que les organisations s’y attardent et se conforment aux normes établies. Nous sommes là pour les accompagner.
M. Serge Giguère, ancien sous-vérificateur général et Mme Leclerc. Mme Leclerc en rencontre avec M. Jean-Pierre Fiset, vérificateur général adjoint ainsi que Mme Lyne Bergeron, conseillère-cadre.
Depuis plus d’un an maintenant, la majeure partie du personnel de la fonction publique, dont celui du Vérificateur général, est en télétravail. Comment faites-vous pour garder le contact malgré la distance?
J’ai toujours eu cette préoccupation de tisser des liens avec mes employés et de faire en sorte qu’ils apprennent à se connaître, peu importe le service pour lequel ils travaillent. Malgré le fait que chacun travaille chez soi, j’accorde une grande importance à l’intégration des employés, non seulement au sein de leurs équipes respectives, mais également au sein de la grande famille du Vérificateur général. Avant la pandémie, nous organisions régulièrement des petits déjeuners avec des employés pour discuter de leurs préoccupations et apprendre à se connaître. Nous avons également l’habitude de faire une grande rencontre annuelle de toute l’organisation, que nous avons réalisée par Teams cette année.
Nous encourageons aussi les gens à publier des articles dans notre journal interne, sur les sujets qui les passionnent et qui n’ont pas nécessairement de lien avec l’organisation. Puisque les conversations impromptues sont plus rares en ce moment, ces petites nouvelles dans l’intranet nous permettent de nous connaître un peu mieux et de former une communauté plus unie.
Évidemment, la pandémie nous a forcés à utiliser davantage les outils virtuels et certaines nouvelles habitudes perdureront certainement. Nous aimons beaucoup utiliser Yammer pour son côté un peu plus ludique, qui favorise les échanges informels de type « autour de la machine à café ». On y publie entre autres de courtes vidéos sur les coulisses de ce qui se passe avant, pendant ou après le dépôt d’un rapport de vérification ou encore des trucs et astuces pour faciliter la vie quotidienne, tant professionnelle que personnelle. J’invite aussi les employés à soumettre leurs questions par courriel et j’enregistre un message vidéo régulièrement pour répondre, entre autres, à ces questions et donner toutes sortes de nouvelles de l’organisation.
Avec le télétravail, nous sommes désormais ultra-connectés et joignables de plusieurs manières, à toute heure du jour. À titre de haute dirigeante, arrivez-vous à décrocher et à tracer une ligne entre la vie professionnelle et la vie personnelle?
En tant que dirigeante, il est certain que ma charge de travail est plus grande et que je me dois d’être accessible en tout temps. Toutefois, exiger la même chose des employés ne serait pas sain. Je n’encourage pas non plus les rencontres sur l’heure du midi ou en fin de journée. On a tous besoin de prendre du temps pour soi et pour réfléchir, peu importe le poste qu’on occupe. Mes employés savent que je consacre mes midis à aller faire une promenade avec mon chien. Si nécessaire, je peux être jointe par téléphone, mais je ne suis pas devant mon ordinateur à cette heure-là. Je le répète souvent dans mes interventions auprès des employés et de mes gestionnaires : c’est important de décrocher et de prendre soin de sa santé physique et mentale.
De par la nature du mandat de votre organisation, vos employés travaillaient déjà à distance avant la pandémie, n’est-ce pas?
Oui, mais ils étaient tout de même présents dans les bureaux des organisations auditées, alors que maintenant ils peuvent s’y connecter de leur domicile par des accès sécurisés. La pandémie a été un accélérateur pour mettre en place de nouvelles méthodes de travail. Nous avions aussi un projet-pilote pour pourvoir des postes en région. Maintenant, il n’y a plus d’obstacles au travail à distance. Notre plus récente offre d’emploi est accessible aux gens de plusieurs régions du Québec, où nous avons ouvert des bureaux régionaux. Une personne installée au Bas-Saint-Laurent ou au Saguenay peut maintenant faire le même travail au Vérificateur général qu’une personne basée dans la Capitale-Nationale ou à Montréal. C’est merveilleux!
Avez-vous hâte de revenir au bureau de manière plus régulière?
On est des êtres humains et les contacts sociaux sont importants, non seulement avec la famille et les amis, mais aussi avec les collègues de travail. Bien qu’on ait développé des manières de rester connectés tous ensemble au cours de la dernière année, croiser des gens dans l’ascenseur ou dans les corridors de nos organisations et en profiter pour poser une question ou régler une petite chose qui traîne, ça vaut de l’or. Je dois dire que je me préoccupe également de la vitalité de nos centres-villes.
J’avais l’habitude d’aller porter régulièrement des petits plats dans le frigo communautaire du quartier St-Roch, et je suis certaine que plusieurs travailleurs et travailleuses du quartier faisaient de même. Au-delà des commerces qui souffrent du manque de clients et de touristes, il faut aussi penser aux plus démunis dont les besoins primaires sont peut-être plus difficiles à combler à cause de la pandémie.
Votre organisation a obtenu en 2017 la certification Employeur remarquable et vous visez à obtenir celle d’Entreprise en santé. Que vous apportent ces certifications?
La certification Employeur remarquable est un peu comme une norme ISO. Cela nous permet de nous assurer d’offrir un milieu de travail de qualité, dont les pratiques sont appréciées par les employés. Nous sommes justement dans notre période d’évaluation. Pour renouveler la certification, nous devons obtenir un taux de mobilisation supérieur à 75 % dans les résultats du sondage mené auprès de nos employés. Leur participation s’élève à plus de 85 %, ce qui est déjà un très bon signe!
Pour ce qui est de de la norme Entreprise en santé, dont la mise en place vise à encourager les saines habitudes de vie, l’activité physique et les bonnes pratiques de gestion, nous visons une certification pour 2023. D’ici là, le comité consultatif de gestion, formé de cadres et d’employés de différentes directions, a mis en place plusieurs activités pour inciter les gens à bouger davantage et pour les inviter à ne pas rester assis devant l’ordinateur toute la journée. Personnellement, je fais un peu de tapis roulant tous les matins, ça m’énergise!
Aux fins de publication, les propos de Mme Leclerc ont été abrégés.